Angiol' Michele BARTOLOTTI
24 PASSACAILLES DU PREMIER LIVRE (1640)
Premier enchaînement du cycle complet des tonalités dans le système tonal
Le libro primo di chitarra spagnola
di Angiol' Michele Bartolotti Bolognese débute par 24 passacagli
réalisant le cycle total des tonalités selon la distribution
suivante:
1 sibm (la#m) | |||||
2 3 Lab fam | 4 5 Mib dom | 6 7 Sib solm | 8 9 Fa rém | 1O 11 Do lam | 12 13 Sol mim |
14 15 Ré sim | 16 17 La fa#m | 18 19 Mi do#m | 2O 21 Si sol#m | 22 23 Fa# ré#m | 24 Do# |
De la 2ème à la 23ème passacaille, chaque tonalité majeure est suivie de son relatif mineur ; les couples s'ordonnent de quintes en quintes, en descendant l'ordre des bémols, puis en montant celui des dièses. Le couple Do# - la#m (sibm) est réparti entre les 24ème et 1ère passacailles.
Chaque passacaille comprend 52 mesures. Un énoncé de 4 mesures débute chaque danse en utilisant l'alfabéto mentionné dans les pages d'introduction du livre. Son parcours tonal est constant I, puis II III IV ou V, enfin cadence V I. L'ensemble est décoré de retards, broderies, appoggiatures, effets propres au doigté instrumental. Sauf exceptions, les batteries sont effectuées de haut en bas pour les deux premiers temps, de bas en haut pour le troisième.
L'énoncé est ensuite varié 12 fois, selon un découpage de 4 mesures indiqué par une demi-double barre, à l'exception de celle en La majeur qui présente une variation supplémentaire. Chaque variation, non modulante, conclut sur le premier degré par une cadence. Entre les mesures 24 à 48, les variations durent généralement huit mesures. La dernière variation de chaque passacaille constitue un épisode modulant destiné à terminer dans la tonalité de la suivante. Le mot Fin inscrit après la dernière danse suppose que l'ensemble constitue une seule pièce, jouable sans interruption. La dernière mesure de la 24ème conclut par l'accord initial de la 1ère, pour réaliser la boucle complète des tonalités et clore la démonstration.
Passacaille doit être compris
comme danse variée. Le cadre rigide de la variation sur une basse
n'apparaît pas; aucun motif immuable n'est décelable dans les
autres registres. En réalité, nous sommes en présence
de variations libres inspirées par le premier énoncé
de chaque nouvelle tonalité. Elles inaugurent les passacailles pour
guitare à 5 chœurs de De Visée et Campion, par rapport à
Lully qui utilisera une basse constante tout au long de cette danse, hormis
lors des épisodes centraux modulants. Le plan des variations se présente
ainsi :
|
|
|
|
|
|
Enoncé en accords avec broderies, etc. | accords, polyphonie brodée ou diminutions | polyphonie à 3 voix en accords battus | polyphonie, accords plaqués, accords battus ou diminutions | accords avec polyphonie, diminutions ou notes de passage | accords avec broderies ou diminutions ou polyphonie |
24 à 28 |
28 à 32 |
32 à 36 |
36 à 40 |
40 à 44 |
44 à 48 |
48 à 52 |
|
|
|
|
|
|
Dans l'histoire de la musique, le cycle du Clavier bien tempéré de Jean Sébastien Bach (172O et 174O) constitue la référence. Par rapport à cette œuvre majeure, Bartolotti propose une pièce permettant d'enchaîner les 24 tonalités. Même si dans le langage analytique, le parcours tonal s'entend par une ouverture vers la dominante suivie d'un retour à la tonalité d'origine, les 24 passacailles de Bartolotti fournissent un élément de réponse à Jean Duron qui écrivait en 1992 dans le Dictionnaire de la Musique en France aux XVIIème et XVIIIème siècles (Fayard): "Il reste encore à trouver qui, parmi les compositeurs de la fin du XVIIème s., eut l'idée du parcours tonal. J.B. Lully fut parmi ceux-ci et dès le Miserere (1664)." Ce musicien n'est ni un luthiste, ni un claveciniste, mais un guitariste, catégorie de compositeur généralement mal considérée par les commentateurs qui devraient réviser leur jugement pour les praticiens de l'époque baroque. Au milieu du XVIIe siècle, les œuvres françaises pour clavecin, (Louis Couperin et surtout Chambonnière) démontrent l'influence considérable du luth dans la littérature de clavier. Les livres de guitare et de luth prouvent que l'évolution du système d'écriture se fit par l'intermédiaire des instruments à cordes pincées.
Le luthiste italien Gorzanis avait démontré, vers 1580, la possibilité de composer dans les 24 tonalités. Mais, sa pensée restait modale, il reprenait même des pièces identiques transposées dans une tonalité voisine. Les suites de passacailles ou de chaconnes "per tutte le lettere" (soit les 24 tonalités, parfois un peu moins) étaient assez pratiquées par les guitaristes au milieu du XVIIème siècle: Antonio Foscarini (1629), Antonio Carbonchi (1640 et 1643), Francesco Corbetta (1643 et 1648), Granata (1646), Pellegrini (1650). Ces compositeurs proposaient des suites d'accords battus, parfois avec des variations, ou des pièces plus écrites chez Corbetta. Foscarini n'utilise pas l'ouverture vers la dominante, mais Corbetta qui publie quelques années après Bartolotti présente le même parcours tonal que son compatriote avec : modulation vers le relatif mineur (ou la tonalité suivante majeure) à la fin de la passacaille, puis, nouvelle passacaille dans la tonalité finale de la précédente. Bartolotti semble être le premier à avoir réalisé l'enchaînement complet des 24 tonalités, mais le livre de Foscarini montre la précocité de l'utilisation systématique du système tonal, succession d'accords excluant totalement la modalité.
L'année 1629 constitue désormais la date charnière pour situer l'utilisation systématique de la tonalité. Avec Bartolotti le parcours tonal vers la dominante apparaît en 1640. Ces dates démontrent que l'évolution de l'écriture ne s'effectua pas par l'intermédiaire du clavier, mais par celui des instruments à cordes pincées.
Analyse du système de modulation
I.) modulation par marche harmonique.
n° 1, 3, 5: I, nouveau III, I, IV (ancien relatif majeur), V, I.
n° 2 : I, nouveau V, I.
n° 4, 10, 14, 16 : I, V, nouveau V, I.
n° 12 : I, nouveau V (9° sans Fondamentale), I, V, I.
d'un ton mineur à la dominante de son relatif majeur,
en repassant par son relatif majeur:
n° 11, 7, 15, 19 : I, V du rel. maj., nouveau I (rel. maj.), nouveau V, I.
n°13, 21, 23 : I, ambiguïté entre nouveau I et V du rel. maj., V du relatif maj., nouveau I (rel. maj.), ambiguïté entre nouveau I et V du rel. maj., nouveau V, I.
d'un ton mineur à la dominante de son relatif majeur:
n°9, 17 : I, nouveau V, I, IV, V, I.
n° 6, 8 : I, V, III, II=nouveau IV, nouveau V, I.
n°20 : I, V, VI=nouveau I, nouveau V, I.
n°18 : I, V, IV=nouveau VI, V, VI=I, V, I.
n°22, 24 : I, V, IV=nouveau VI, nouveau V (9°sans fondamentale),
I.
Nous proposons une transcription pour guitare moderne de l'énoncé et de la variation modulante conclusive de chaque passacaille. L'ensemble s'enchaîne pour constituer une pièce unique. Les accords présentant des hampes dans un sens unique se jouent battus. Pour l'analyste, certaines positions de passage peuvent sembler anachroniques. Elles sont compréhensibles au guitariste baroque car elles sont obtenues simplement, en plaçant ou en enlevant un doigt. Les retards doubles ou triples relèvent du même principe.
Angiol' Michele BARTOLOTTI
24 PASSACAILLES DU PREMIER LIVRE (1640)
page 1 |
page 2 |
page 3 |
page 4 |
cliquez sur le bouton gauche de la souris pour
revenir en arrière
Si vous le souhaitez , je peux vous adresser gratuitement
les pages dans un format de haute qualité
|