Le carillon du chapiteau d'Autun
Pendant l'art roman, il faut distinguer deux enseignements de la musique religieuse, celui du chanteur (cantorem)
et celui du théoricien (musicus). L'étude de la musique pratique était enracinée dans une tradition quotidienne.
Le répertoire s'apprenait par cœur pendant les années d'oblation. Les sous-chantres des monastères éduquaient l'oreille des enfants et organisaient les cours sur les caractères des modes.

Par contre, la musique théorique était le vecteur d'une pensée spéculative dont la maîtrise pouvait amener à la compréhension des lois internes du discours musical, mais aussi des lois cachées de l'univers, de la musique cosmique provoquée par le déplacement des planètes.

L'enseignement monastique figure sur un chapiteau de la cathédrale Saint-Lazare d'Autun réalisé vers 1160, nommé à tort 4° ton, par analogie au carillonneur de Cluny dont il s'inspire pour le port de l'instrument. L'observation attentive permet d'intituler cette scène
"l'éducation musicale".

dessin Béranger Dirand-Dieu

Un maître porte un carillon muni de cinq cloches réparties trois à gauche, deux à droite. De part et d'autre du professeur, deux enfants sont assis face à face. À droite, l'enseignant remue une clochette en regardant son élève qui, dans l'attitude de celui qui répond positivement, actionne délicatement le battant de la cloche voisine.
À gauche, l'enfant est plus replié sur lui-même dans l'attitude de l'écoute attentive. Il agite manuellement une cloche et compare sa sonorité en frappant avec un maillet celle proposée par la main droite du maître.
Le chapiteau décrit la scène immuable effectuée par chaque musicien avec ses enfants, la formation de l'oreille par la comparaison des sons.

La cloche suspendue à la robe semble incompréhensible. Dans le contexte d'une inspiration clunisienne, elle figure l'hypothèse qu'une sixième sonnaille pendait à la robe du carillonneur de Cluny, mais, sur le chapiteau du farinier, aucune trace ne subsiste dans la partie détruite. Il s'agit peut-être d'une allusion aux clochettes du grand-prêtre Aaron, "cousues dans l'ourlet de son manteau qui tintaient à chacun de ses pas" pour un appel à l'attention (Exode XXVIII, 34 et Sirac VL, 9).

Lors de la parution d'un article sur ce chapiteau dans la revue Notre Histoire n° 158, de nombreux lecteurs s'étaient étonnés de voir considérer cinq cloches sur le carillon. Certes, rien ne permet de penser qu'un instrument asymétrique fût conçu ; en outre, six cloches correspondent à l'hexacorde auxquelles l'ajout des deux autres sonnailles relient aux huit tons ; toutefois l'observateur constate que la clochette proposée à l'enfant de gauche, l'ait par la main droite du maître. La raison esthétique est évidente : souhaitant varier la manière d'agiter les cloches, le sculpteur ignora délibérément l'anneau de suspension qui interdirait l'élégante, mais très inconfortable attitude du maître de musique.
 

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