L'instrument des bergers ?

L'hypothèse selon laquelle les cors seraient des instruments de bergers, présentée comme une certitude dans de nombreux documents, ne résiste pas à l'analyse. Les habitats ruraux ne livrent pas de cors ; Élise Boucharlat, qui travaille sur de nombreux sites paysans du Ve au XIIe siècle, n'en a relevé aucun. Dans la sculpture romane, l'Annonce aux bergers se prête aisément à la restitution de l'univers pastoral de son époque. Rappelons la scène figurant dans l'Evangile de Luc (Luc II, 8 10) : Marie enfanta son fils premier-né… Il y avait dans la même région des bergers qui vivaient aux champs et gardaient leurs troupeaux durant les veilles de la nuit. L'Ange du Seigneur les enveloppa de sa clarté et ils furent saisis d'une grande crainte. Mais l'ange leur dit : "Soyez sans crainte, car voici que je vous annonce une grande nouvelle, aujourd'hui vous est né un sauveur, qui est le Christ Seigneur, dans la ville de David". Nous constatons que le texte ne stipule pas d'instrument. Les bergers musiciens sont d'ailleurs exceptionnels parmi les nombreuses représentations : ils sont absents à Auzon, Saint-Révérien, Benet, Mauzé-sur-le-Migron, Chauvigny et à La Charité-sur-Loire où les restes d'un bâton furent parfois identifiés comme ceux d'un cor. Les sculpteurs réservèrent parfois un caractère local à leur scène ; ils gardent une vache et un cheval à Vigeois, une chèvre et un bouc à Lubersac. Finalement, la scène du portail royal de Chartres reste unique : le berger joue un frestel (flûte de pan). Cet instrument est d'ailleurs associé à une autre scène pastorale à Lusignan. En Poitou, lorsque l'animal devient berger sur les modillons des corniches, il joue encore un frestel : un âne à Marnay et à La Villedieu-du-Clain, des veaux à Varaize et Poursay-Garnaud, un singe à Château-Larcher.

Dans les manuscrits, la quête semble également infructueuse. Seule la fresque de Brinay (Cher) associe un cor (en corne ?) à un frestel. On aurait pu penser que les Bucoliques de Virgile auraient influencé la scène. Le quatrième poème, par exemple, célèbre la naissance d'un enfant qui va marquer le début d'un nouvel âge d'or. Jusqu'au Moyen Âge, cette allégorie fut interprétée dans un sens chrétien et considérée comme une prophétie annonçant la venue du Christ. L'Annonce aux bergers aurait pu la reprendre, il n'en fut rien. Je connais très mal l'iconographie gothique et de la Renaissance. L'Annonce aux bergers du retable de Grabow, peint à Hambourg en 1383 par Maître Bertram, présente un cornet muni de quatre trous.

Ni les fouilles archéologiques, ni l'iconographie ne permettent de dire que le cor médiéval, à fortiori la trompe castrale, étaient des instruments de bergers.

Cette affirmation entraîne donc une mise à jour sur les cartels des musées.

Conclusion temporaire

Index trompes d'appel

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