Dans la sculpture romane, la chasse constitue une prédication pour montrer la poursuite du bien et du mal, les Etapes de la vie du Chrétien, les Ages de la vie. Le tympan de Saint-Ursin de Bourges représente le temps de la vie du Chrétien avec les travaux des mois, la chasse aux tempéraments représentés par divers animaux (âne, sanglier, cerf), les Ages de la vieavec les arbres figurés en différentes saisons, comme sur les sarcophages romains de Déols, de Reims et sur la frise romaine remployée sur le mur extérieur de la cathédrale du Puy. La chasse à l'épieu aurait suffi pour exprimer l'activité cynégétique, mais on remarque que le sculpteur a placé un cor dans la bouche du cavalier.
Une autre représentation semblable se voit sur la frise inférieure
de la façade d'Angoulême, peut-être inspirée
de Bourges ou d'un autre sarcophage, dans cette région où
les vestiges gallo-romains abondaient. L'association
du cor et du chasseur était si évidente pour le sculpteur
roman qu'il l'utilisa comme attribut pour
aider à la compréhension de la scène d'une brique
historiée conservée au musée de Brou représentant
un chasseur et son chien. Sur un ancien chapiteau de la cathédrale
du Puy conservé au musée Crozatier, un sonneur exprime la
chasse
aux vices représentés par le lièvre (luxure),
le chien tiré par une laisse (paresse), une tête de cheval
tenue par la frontale et la mentonnière du filet (défauts
de l'esprit). A Foussais, la chasse qui mènera à la
victoire de la Chasteté contre la Luxure est sonnée au cor.
Le chien suffit à exprimer la bestialité de la chasse. On
le rencontre sans le chasseur à Limoges et à Châteaudun.
Mais lorsqu'un chasseur est présent,
il est presque toujours muni d'un cor. On
vérifie cette constatation à Chavanges où un seigneur
poursuit un cerf avec des chiens. Sur le bénitier de Grézieu-la-Varenne,
la scène associe la chasse au cerf, image de l'âme qui fuit
le mal, la biche qui s'abreuve à la rivière (psaume 43) et
la chasse aux Vices symbolisée par un homme attaché aux poignets
et aux chevilles entouré du lièvre luxurieux et du porc chargé
au Moyen Age de tous les vices. Au Monastier, en Lozère, un sonneur
tient par les pattes arrière un lièvre qu'il vient de capturer.
Animal fétiche des déesses de la fertilité, fêtées
au printemps, sa capture signifiait le paganisme vaincu.
A Gigny (Jura), dans une représentation qui apparaît décorative, sans qu'une idée conductrice puisse être décelée, le chasseur sonneur est représenté avec son chien. L'association inévitable avec le sonneur de cor est encore plus visible à Castelviel, Saint-Martin-de-Sescas et Blasimon où la chasse symbolisée par la poursuite des chiens contre des lièvres se déroule sur une voussure entière du portail pour avertir du paganisme qui court toujours. Un sonneur à pied sonne du cor derrière les chiens. A La Commande, sur le riche programme du chœur, le sonneur annonce l'hallali d'un déroulement qui s'effectue à l'épieu. La liste est longue et peut se prolonger avec Saint-Martial-de-Valette, Selles-sur-Cher, Rollainville, Andlau, Goult, Tamerville, Solignac, Echillais, Saint-Gilles-du-Gard, Agonges, Saint-Restitut.
Dans l'église Saint-Hilaire de Melle, un
sonneur corne l'hallali d'un sanglier. Dans la sculpture romane
et dans les textes patristiques, la chasse au sanglier
est assimilée à la poursuite du sang noir, car le
chasseur est menacé par un trop plein de sauvagerie qui risque de
lui faire perdre sa nature humaine, devenir un animal sauvage parmi les
animaux sauvages. Depuis l'émergence du christianisme, ce thème
est décliné sous la figure mythologique du chasseur damné,
celui qui chasse le dimanche au lieu d'aller à la messe, un Vendredi
saint, les jours tabous pendant lesquels il rencontre le Diable au bois.
Dans les légendes populaires alsaciennes, le diable est encore assimilé
à un chasseur, le malin qui traque les âmes. Le chasseur est
menacé par le sang noir, la passion, l'excès.
Le rôle de saint Hubert, parfois assimilé à saint Eustache, est de protéger contre le mauvais sang noir. Evêque de Maastricht puis de Liège (665-727), chassant contre l'usage un Vendredi saint, il poursuivit tout le jour un énorme cerf. Soudain, l'animal lui fit face, il portait un crucifix entre ses bois et parlait comme le Christ à saint Paul : "Pourquoi me persécutes-tu ?." A Vézelay, Autun et Saint-Benoît-sur-Loire, saint Hubert sonnent du cor en apercevant le cerf et montre encore son inévitable association avec l'activité cynégétique, car rien ne le justifie dans les textes.
Les nombreuses représentations de chasse dans la sculpture romane prouvent l'utilisation du cor de taille moyenne, estimé de la taille d'un avant-bras, soit de trente à cinquante centimètres, taille extrême qui entraînerait un poids excessif pour le port à une seule main.